Ilja Tschlaki

LA TOUPIE ou Ça n’est pas possible des Choses pareilles!


(Волчок, или так не бывает)

Traduction Valéry Rybakov  et Dominique Cresson-Rybakov

Comédie sans fin.

PERSONNAGES:
Paul
Sveta, Nina, Lena


Un appartement d’une seule pièce. L’entrée. Paul ouvre la porte, Sveta entre.

PAUL:    Svetotchka!
SVETA:   Bonjour, Paul.
PAUL:   Comme je suis heureux que tu sois venue!  Il veut l’enlacer.
SVETA:   Je suis venue pour parler sérieusement. Elle se dirige vers la pièce principale.
PAUL:   Ma Sveta… Il la suit. Assieds-toi…
SVETA:   Paul…
PAUL:   Quel bonheur que tu sois venue, je pensais…
SVETA:   Attends.
PAUL:   Mais c’est tellement inattendu que tu sois là…
SVETA:   Mais il me semble qu’on avait convenu que je viendrais aujourd’hui?
PAUL:   Ah!  Bon?
SVETA:   Tu as oublié?
PAUL:   Mais tu  pouvais très bien ne pas venir…
SVETA:   Si je dis que je viens, je viens, ça ne pouvait pas être autrement.
PAUL:    Mais tu sais…
SVETA:    Ça fait dix ans qu’on fait nos études ensemble, dans les mêmes classes et tu n’as pas encore intégré que je tiens toujours mes promesses, que je ne mens jamais, que moi…
PAUL:    Tu comprends toujours tout… Il veut l’enlacer.
SVETA:    Attends.
PAUL:    Svetik!  Il veut l’embrasser.
SVETA:   Tu ne veux toujours pas comprendre…
PAUL:   Je ne veux pas.
SVETA:   Tu ne veux pas comprendre que je suis venue pour parler sérieusement.
PAUL:    Plus tard.
SVETA:   Non, Paul, maintenant
PAUL:    J’écoute…
SVETA:   Tu peux arrêter de me tripoter une seconde?
PAUL:    Je ne peux pas.
SVETA:   Si c’est comme ça, je m’en vais.
PAUL:    D’accord, je suis prêt à ne pas te toucher une seconde!
SVETA:   Paul…
PAUL:    La seconde est passée!
SVETA:   Je m’en vais.
PAUL:    C’est bon! Je me tais! Parle, j’écoute. Svetik.
SVETA:   Je ne veux pas te réprimander, mais tu n’es plus un petit garçon  et je ne peux pas non plus fermer les yeux. C’est impossible de vivre comme tu le fais, Paul, tu es déjà un adulte …

Le téléphone sonne.
 
PAUL:   Désolé…  Il prend le combiné. Allô… Oh! C’est toi? … Mais pourquoi?! Tu comprends… Il arrive que… Non, il n’y a personne, je suis tout seul, c’est vrai….  Bien évidemment, à l’autre bout du fil, on a raccroché. Paul, lui aussi, met fin à la conversation.

C’était Maman, elle demande : «qui est chez moi?» Continues, je me souviens de tout : «Tu es déjà un adulte…»
 
SVETA:   Paul, tu es déjà un adulte… Le téléphone sonne.
PAUL:    Ne fais pas attention, c’est encore Maman.
SVETA:   Tu ne veux pas lui parler?
PAUL:    On a déjà parlé de tout. Tu es un adulte…
SVETA:   Je veux discuter avec elle.  Elle tend la main vers l’appareil.
PAUL:    Non. Il vaut mieux que ce soit moi.  Il passe devant Sveta et décroche le combiné. Je t’ai déjà dit qu’il n’y avait personne chez moi… Non. Personne.
SVETA:   Pourquoi tu racontes des histoires? Passe-la-moi, je veux parler avec Elisabeth Andréievna!
PAUL:    Dans le combiné.  C’est ce qui t’a semblé, c’était une voix masculine. Oui. C’était ma voix, à moi…  A l’autre bout du fil, on raccroche. Elle ne me croit pas ! Voilà comme sont les mères! Alors? Qu’est-ce que tu disais?
SVETA:   Pourquoi as-tu abandonné tes études?
PAUL:    Svetik.
SVETA:   Bon. D’accord. A ce sujet là, je discuterais avec Elisabeth Andréïevna. Ne me touche pas!
PAUL:    Je ne peux pas! Quand tu es là, je meurs…
SVETA:   Tu te laisses aller! Tu te comportes comme un enfant!
PAUL:    Oui.
SVETA:   Tu ne fais pas même ton lit!
PAUL:    Je t’attendais.
SVETA:   C’est moi qui dois le faire?
PAUL:    Au contraire…
SVETA:   C’est comme ça que tu m’accueilles?
PAUL:    Avec amour.
SVETA:   L’amour, Paul, ça n’est pas qu’une histoire de lit. L’amour, c’est avant tout de l’hygiène. Tu mènes une épouvantable vie de célibataire…
PAUL:    Ma douce…
SVETA:   Un célibataire n’a rien à voir avec un homme. Rappelle-toi tes classiques. Tolstoï, Tchekhov, même Gorki? As-tu jamais vu chez eux de semblables personnages?
PAUL:    Les Bas-Fonds.
SVETA:   Oui, c’est toi le bas-fond ! Arrête!
PAUL:    Svetotchka.
SVETA:   Reprends tes esprits, Pacha, pendant qu’il est encore temps. Ça ne te mènera à rien. Saches-le. Dans le dernier Litté- hebdo… Tu lis les journaux ou pas?
PAUL:    A quoi servent les journaux?
SVETA:   A ça! Dans le dernier numéro, ils écrivaient à propos de la dégradation d’un être humain: Une femme, intelligente, bourrée de talent…
PAUL:    Quel rapport avec moi ?
SVETA:   Ça te concerne aussi, Paul! Une femme intelligente, belle, pleine de talent, qui, en un clin d’œil se transforme en n’importe quoi! Et tout à commencé avec les études! Elle, comme toi, elle a abandonné…
PAUL:    Un baiser et tu me diras tout ce que tu voudras. Il l’embrasse.
SVETA:   Pacha.
PAUL:    Svetik.
SVETA:   Pacha.
PAUL:    Ma chérie.
SVETA:   Alors, elle a abandonné ses études…

On sonne à la porte.
 
PAUL:    Elle a bien fait. Il veut embrasser Sveta.
SVETA:   Est-ce que tu n’as rien entendu?
PAUL:    Je ne veux pas entendre. Il sort et ouvre la porte.

Léna entre.
 
LENA:   Pavlik!
PAUL:    Lena?!
LENA:   Pavloucha!
PAUL:    Bonjour, Len…
LENA:   Tu n’es pas malade?
PAUL:    Moi?
LENA:   Mon dieu! Tu es malade?
PAUL:    Non. Je…
LENA:   Pavlik, tu es complètement malade!
PAUL:    Non. Je vais bien. Je suis tellement content… de te voir, c’est une telle surprise…
LENA:   Surprise? Tu as de la température?
PAUL:    Je ne sais pas!
LENA:   Tu as de la température. C’est toi qui m’as demandé de venir aujourd’hui.
PAUL:    Aujourd’hui?!
LENA:   Tu as mauvaise mine.
PAUL:    Tu comprends…
LENA:   Tu as mangé quelque chose?
PAUL:    Non. Je…
LENA:   Il faut que tu te couches immédiatement.

Elle entre dans la pièce.
  .............................